Echouage d’un dispositif de concentration de poissons (DCP) dérivant issu d’un thonier senneur
Durant le mois de mai, suite à un signalement émis par l’hélicoptère de la gendarmerie, l’équipe du Parc naturel marin de Mayotte a découvert un dispositif de concentration de poissons dérivant (ou DCP dérivant) échoué et emmêlé dans le récif corallien dans la baie de Dapani.
Le Parc et les Affaires maritimes ont pris en charge ce déchet produit par la pêche thonière industrielle ayant un impact environnemental avéré.
Une prise en charge urgente...
Mardi 9 mai, l’équipage du navire Utunda du Parc naturel marin était en mission scientifique lorsqu’il reçoit le signalement d’un engin de pêche échoué en baie de Dapani. Arrivé sur place, l’équipage constate qu’il s’agit d’un DCP dérivant, engin issu de la pêche industrielle à la senne.
Cet amas de bouées et de cordages, en plus de constituer un obstacle à la navigation, représente un réel danger pour l’environnement. Il semble avoir accumulé beaucoup de déchets flottants dû à sa dérive depuis le large jusqu’à la côte mahoraise (matériels de pêche traditionnel, morceaux de tongues, caisses en plastiques…).
Dans l’urgence, le Parc a donc procédé à son enlèvement et prépare son traitement en vue d’une nouvelle utilisation.
... et couteuse
La masse et le volume de ce déchet, issu des pratiques de pêche des thoniers senneurs, sont tellement importants que le navire du Parc n’a pas pu le tracter.
L’enlèvement du dispositif échoué par une société spécialisée et son retraitement via une filière adaptée s’élèvent à 5 628 euros, le coût du préjudice écologique étant encore à estimer.
Des dégâts visibles à petite échelle
Les Affaires maritimes mènent une enquête pour identifier le propriétaire du DCP échoué. L’armateur responsable de la dérive de ce DCP encoure des poursuites pour les conséquences de l’échouage notamment pour atteinte à l’environnement par dégradation des habitats marins et pollution.
En effet, une surface de 200 m² de récif corallien a été touchée par l’échouage du DCP causant de nombreux dégâts sur les colonies d’Acropora, branchus et tabulaires principalement. Lors de l’enlèvement de ce dispositif du récif, plusieurs de ces colonies ont été désolidarisées du fond. De nombreux petits résidus de l’engin (issus du système d’agrégat, des fils, filets et cordages) sont restés piégés dans les anfractuosités des colonies coraliennes et du substrat dur engendrant une pollution de matière plastique.
Les impacts à grande échelle de la pêche sur DCP dérivants
Les thoniers senneurs sont des navires industriels qui entourent le poisson avec un grand filet de plusieurs kilomètres de long qui se referme comme une poche pour récolter tout le poisson qui se trouve à l’intérieur.
Par ailleurs, la technique de pêche consistant à déployer des dispositifs de concentration de poissons dérivants (DCPd) sous lesquels les thoniers senneurs prélèvent l’intégralité des espèces ainsi attirées, est privilégiée par ces navires. Or, cette méthode a des impacts importants sur l’environnement :
La pollution
Au moins 529 t. de déchets/an sont issus uniquement des DCPd des thoniers français pêchant dans l'océan Indien et l'Atlantique
L’amenuisement de la ressource en poissons
La majorité des thons obèses et albacore péchés sous DCP sont immatures, ce qui signifie qu’ils ne se sont jamais reproduits
La mise en danger d’espèces protégées
... et emblématiques par l'enchevêtrement de tortues, mammifères marins ou requins.
La destruction d’habitats marins
par l'enchevêtrement et la casse de coraux, l'arrachage d’herbiers, …, ce qui met en danger l’ensemble des écosystèmes associés à ces habitats !
Isolément, l’échouage du DCP à Mayotte parait anecdotique mais c’est un phénomène mondial qui ajoute une pression considérable sur les océans.
- Une étude française (Imzilen et al., 2021) a permis d’estimer qu’entre 10 et 20% de tous les DCP français de l’océan Indien et d’Atlantique finissent par s'échouer.
- Cela représente environ 529 tonnes de déchets par an uniquement pour les thoniers français pêchant dans ces zones.
- Le chiffre est probablement 2 à 3 fois plus important si on prend en compte tous les thoniers senneurs pêchant dans ces deux océans.